Il fut un temps où existaient des jeux sur Facebook, nous nous rappelons certainement des CityVille, Pet Society ou des Sims Social qui ont dévoré nos journées, ou qui en ont peut-être énervé certains, excédés par le flot de demandes d'aide pourrissant leur fil d'actualité. Le jeu portable dit addictif a changé de plateforme, et est passé de Facebook et nos ordinateurs à nos téléphones portables, signant ainsi l'arrêt de mort de notre productivité. Le jeu vidéo gratuit qu'on transporte partout, une pratique démocratiséeLe jeu vidéo mobile se place dans une équation idéale : dans un monde où un certain nombre d'entre nous ne peut plus se passer de son téléphone portable, dans un monde où l'inactivité n'est plus permise et où passer du temps à ne rien faire est totalement surfait, le jeu vidéo mobile répond à un besoin d'immédiateté, afin de remplir nos mains avec une activité, histoire de patienter jusqu'à l'échéance suivante. Une étude du CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée) datant d'octobre 2014 [1] nous fait part des pratiques vidéoludiques des Français, et croyez-le ou non, vous serez surpris ! Cette étude portant sur pas moins de 2800 sujets âgés de 6 à 65 ans et discrimine les joueurs en ligne, hors ligne ou jouant à ces deux types de jeux, ainsi que les joueurs ayant déjà payé pour jouer et ceux qui ne l'ont jamais fait. Tout d'abord de façon générale, la France dénombre 71,2% de personnes ayant joué aux jeux vidéo au cours des six derniers mois (donc potentiellement 34 millions de personnes), et parmi elles près de 60% des ces personnes jouent pour passer le temps. C'est aussi près de 50% de joueurs quotidiens, et près de 25% de joueurs jouant plus d'une fois par jour. Hommes et femmes de toutes les catégories socio-professionnelles et tous les âges jouent, même si l'étude dresse un archétype de joueur masculin, inactif, jeune et habitant en région parisienne, à cause de taux de pénétration plus élevés chez ces populations. En ce qui concerne les pratiques des joueurs sur tablette et smartphone, car c'est ce qui nous intéresse : il faut savoir tout d'abord que près de 60% des joueurs de jeux vidéo ont un smartphone, et un peu plus de 45,5%, une tablette, et près de 60% de ces joueurs se servent de leur smartphone ou de leur tablette pour jouer, ce qui, finalement, confère une fonction supplémentaire à leur appareil servant déjà à appeler, communiquer, lire, écouter de la musique, etc. Ajoutons à cela, une durée moyenne de jeu de 2h00 sur smartphone (1h48 sur tablette), et près d'un quart de joueurs sur tablette ou smartphone jouant plusieurs fois par jour ! C'est surtout près de 70% de joueurs sur smartphone qui jouent à des jeux gratuits uniquement (62% en ce qui concerne la tablette) ! Tout ce tintouin dans quel but, finalement ? C'est surtout pour vous montrer que oui, votre voisin, votre mère ou votre professeur joue certainement aux jeux vidéos gratuits, de puzzle mais pas que, car oui, il n'y a pas que Candy Crush Saga dans la vie ! Le joueur va aussi jouer à des jeux musicaux, à des jeux de simulation ou de stratégie, pourvu qu'il soit gratuit. Si on considère les besoins des personnes en général, et des joueurs plus particulièrement, en matière d'occupation du temps inoccupé (temps libre, temps de transit, etc), on se rend compte que le jeu vidéo gratuit répond à ces besoins... jusqu'à pénétrer nos rythmes de vie de façon presque intrusive. L'étude ne fait pas part de façon précise du nombre de jeux joués lors d'une même session de jeu, ni même de la façon dont s'articule tous ces jeux lors d'une même session, s'il y a un retour sur un jeu à un moment ou à un autre, ou non, et c'est bien ça le cœur de notre problème ! Une économie propice à la frustrationAvant de réaliser toute l'ampleur de l'addictabilité du jeu portable, nous allons essayer de cerner quelques-unes de ses caractéristiques, et notamment son économie, en termes d'argent et de temps. Dans un premier temps, il nous faut discerner les jeux qui posent une limite d'actions par session de jeu et ceux qui ne posent aucune limite. Typiquement, les jeux qui ne posent aucune limite ont une jouabilité proche de celle des jeux sur console, en ce sens que le jeu est une espèce de ligne sur laquelle avancer, et surtout que chaque joueur va prendre le temps qu'il souhaite pour avancer sur cette ligne avant d'en atteindre la fin (qui généralement n'en est pas une, bonjour les quêtes annexes et lignes scénaristiques alternatives). Nous allons nous pencher sur les mécaniques de ces jeux qui limitent le nombre d'actions possible du joueur dans le temps, et notamment sur le système de monnaie. Concrètement, ces jeux qui posent une limite d'actions par session de jeu vont matérialiser cette limite par un réservoir à contenance finie (points d'action, cœurs, vies, etc.) qui ne se recharge qu'avec le temps (1 point tous les ___ minutes / heures jusqu'à ce que le réservoir soit plein) : si le joueur ne joue pas souvent, son réservoir sera toujours plein quand il se connectera... mais si le joueur joue relativement souvent, il pourra en venir à être frustré d'avoir laissé filer trop de temps, car le réservoir sera déjà plein quand il se connectera. Dès épuisement de ces points, bien évidemment, le joueur pourra choisir de consommer de la monnaie précieuse, plus rare, qu'il ne pourra acquérir qu'avec parcimonie ou lors d'événements spéciaux pour recharger son réservoir. Si le joueur se retrouve à court de cette monnaie rare, ultimement, il pourra acheter de cette monnaie précieuse avec de l'argent réel la plupart du temps... et c'est une des façons de faire tourner le business ! Pour peu qu'en plus intervienne la notion de collection dans un jeu donné, et que le joueur ait une espèce de collectionnite aiguë, sa volonté d'essayer de collectionner le plus de cartes / monstres / personnages / objet collectionnable va créer une espèce de dépendance au jeu et surtout d'insatiabilité tant que la collection ne sera pas complète. Ceci est d'autant plus renforcé par l'introduction d'événements temporaires qui permettent d'avoir accès, après complétion, à une récompense rare ou exclusive. Naît inéluctablement ainsi une sorte de rituel où le joueur va vérifier s'il ne rate pas un objet collectionnable qu'il ne pourra pas acquérir par la suite. L'essence de ces événements temporaires étant bien évidemment une délimitation dans le temps, si les objectifs ne sont pas encore remplis alors que la deadline s'approche, le joueur va être d'autant plus proche de son jeu qu'il sera loin de la réalisation de son événement. Et s'il n'a plus de points dans son réservoir, le joueur va ainsi dépenser sa monnaie précieuse qu'il aura soigneusement économisée... parfois même au point de payer s'il est à court de monnaie précieuse, car une valeur émotionnelle importante sera donnée à la récompense ultime après laquelle le joueur va courir. Définitivement, c'est la frustration qui sert de moteur dans ces jeux-là. Enfin, si le joueur a le malheur de jouer à plusieurs jeux, cette frustration sera présente autant de fois que de jeux auxquels il jouera. Ultimement, le joueur peut en venir à gérer son temps en fonction des différentes échéances de ces jeux, et de la vitesse de remplissage des réservoirs de points. Par exemple, en attendant l'échéance d'un premier jeu, un joueur va faire ses actions quotidiennes sur un deuxième jeu, épuiser ses points sur un troisième jeu... et revenir sur son premier jeu, et ce de façon relativement cyclique, jusqu'à perte totale de la productivité de la journée ! De façon encore plus poussée, un joueur peut en venir à décaler les bornes de sa journée, se lever plus tôt pour arriver pile au moment de la recharge du réservoir de points d'action, ou se coucher plus tard, pour finir ses points d'actions, etc. Tout ça pour dire, faites attention à votre consommation de jeux gratuits ! Vous avez du temps à perdre... mais pas trop ! Attention à ne pas vivre en fonction des échéances fixées par les jeux auxquels vous jouez ! Concrètement, on appelle ça de l'addiction... C'est d'autant plus pervers que le jeu gratuit a de nombreuses formes : jeu vidéo musical, puzzle-game, jeu de simulation de vie, etc. Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Sources[1] http://www.cnc.fr/web/fr/ressources/-/ressources/5986318 : Centre National du Cinéma et de l'image animée, Les pratiques de consommation de jeux vidéo des Français. Les études du CNC, octobre 2014. Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
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Peut-être que cette nouvelle va vous passer par-dessus la tête, car cet article ne concerne qu'une communauté très restreinte de joueurs sur des jeux très spécifiques. On parle ici des fans occidentaux / non-asiatiques des jeux musicaux de BEMANI, comme Dance Dance Revolution (DDR) pour le plus connu d'entre eux, mais aussi Beatmania, Pop'n music, Jubeat, Sound Voltex, etc. Le monde s'écroulera aujourd'hui, dimanche 08 mars 2015, quand nous ne pourrons plus nous connecter sur les versions des jeux nécessitant une connexion Internet permanente pour pouvoir jouer... à moins que Konami ne fasse un geste vers les joueurs occidentaux ? Quelques explications...Programmed World, ce nom ne doit pas parler à grand monde, car finalement, c'est quelque chose dont il ne fallait pas parler. On parle ici d'un service illégal qui permettait aux joueurs occidentaux (aux Etats-Unis mais aussi en Europe et notamment en France) de se connecter à un équivalent de l'eAMUSEMENT japonais. Ce qui rend la chose d'autant plus dramatique, c'est que pour pouvoir jouer aux versions les plus récentes des jeux de BEMANI, une connexion Internet permanente à l'eAMUSEMENTest nécessaire. En fermant Programmed World, Konami vient purement et simplement d'interdire aux joueurs de s'amuser sur les versions suivantes [1] : - Dance Dance Revolution 2013 et 2014 - Beatmania PENDUAL, SPADA et tricoro - Sound Voltex (toutes versions) - Jubeat prop, saucer fulfill et saucer - Pop'n music lapistoria et Sunny Park - Gitadora (toutes versions) - Reflec Beat groovin' et colette Bon, tout n'est pas perdu, toute version antérieure qui ne nécessite pas une connexion permanente est encore jouable. Pour autant, c'est une espèce de lueur qui s'éteint subitement pour tous ces joueurs qui ont pu à peine toucher du doigt tous ces jeux d'une qualité indiscutable. En effet, Programmed World est avant tout une initiative répondant à un besoin des joueurs : suite à un désintéressement de la part de Konami envers les publics occidentaux, ceux-ci ayant envie de profiter (eux aussi !) des chefs d'œuvre sortis uniquement en terre asiatique. Dans ces jeux dont on n'aura plus accès en Occident, il y a le sempiternel Dance Dance Revolution, dont les bornes les plus anciennes peuvent être encore trouvables en France dans certains espaces de loisirs type fêtes foraines, bowlings, cinémas ou laser games. Certains ici peuvent aussi avoir profité de Beatmania et Pop'n music, bien plus méconnus et plus rares, mais attirant un public similaire aux joueurs de DDR. Les autres jeux musicaux sont beaucoup plus récents (notamment Jubeat, Reflec Beat et Sound Voltex), mais présentent des concepts forts qui sont autant de façons de réinterpréter le jeu vidéo musical qui ne se contente pas de faire appuyer sur des boutons. Autant dire que c'est d'autant plus dommage que ce qu'on enlève aux joueurs est d'une qualité indéniable ! Désormais, les jeux listés ci-dessus ne sont disponibles qu'en Asie ou dans les salles d'arcade de l'enseigne japonaise Round 1 qui se trouvent aux Etats-Unis. Autrement dit, c'est une catastrophe notamment pour les joueurs français qui venaient de faire l'acquisition de jeux musicaux en début d'année 2015 ! Programmed World et les joueursDans l'ensemble, la plupart des joueurs ont extrêmement mal vécu cette nouvelle qui a l'effet d'une bombe. Certes, on parle d'une alternative illégale, mais répondant indéniablement à un besoin des joueurs. Cette initiative a été suivie par des salles d'arcade, rares en France, un peu plus communes aux Etats-Unis, qui ont désiré essayer de suivre l'actualité vidéoludique et répondre aux demandes des joueurs ayant formé des communautés désirant faire perdurer cette passion pour les jeux vidéos musicaux. C'était une façon pour eux d'avoir accès à ce qui est devenu peu à peu un privilège pour les asiatiques. Finalement, l'image de Konami en a pris un sacré coup. Mais la question qui peut émerger est celle de savoir l'intérêt que porte Konami sur le public occidental... car après tout, à part la série Metal Gear, qu'est-ce que Konami essaie de faire vivre sur le sol occidental ? Sachez tout de même qu'en attendant, Jubeat (sous le nom de Jukebeat en Occident) et Reflec Beat (sous le nom de Reflec Beat + en Occident) sont disponibles sur iOS (iPhone et iPad) avec un catalogue plus que décent, composé des certaines des dernières chansons sorties au Japon comme d'exclusivités (ce qui permet de jouer à Jubeat sur du Lady Gaga ou du Cindy Lauper !), pourvu que l'on paie bien évidemment ces DLC à 1€ la chanson. Finalement, ce n'est pas pire que de payer pour jouer dans sa salle d'arcade, sachant qu'au final, une fois la chanson achetée sur ces applications, on y a accès ad vitam aeternam. Bon, pour DDR, rien ne vaut l'expérience sur borne d'arcade, et parmi les substituts valables qui existent, le dernier jeu DDR sorti sur console est DDR Hottest Party 5 sur Wii qui date déjà de fin 2011. Peut-on espérer un jour une main tendue de Konami vers l'Occident ? Les joueurs quant à eux attendent plutôt de trouver une alternative qui satisfera à nouveau la communauté de fans... qui ne va plus savoir quoi faire des nouveaux jeux qu'ils ont tant bien que mal réussi à importer dans leurs salles. Il ne fallut pas attendre plus de 24 heures pour connaître un revirement de situation... Konami s'intéresserait-il au public occidental ?Coup de théâtre, une fois les griefs envers Konami verbalisés, les joueurs se sont forcément mis en quête d'informations à propos de Konami, de sa politique et de ses choix, et ils sont tombés sur une actualité qui s'annonce très intéressante [4], pour peu qu'elle soit comprise par tous. Voici une traduction proposée par sur les forums du site internet Zenius i-vanisher [5] à gauche, et une traduction en français à droite :
Suite à cette annonce, les langues se délient une nouvelle fois, et c'est une nouvelle lueur qui s'allume : est-ce que Konami s'intéresse réellement aux publics occidentaux ? La question se pose d'autant plus que Konami a dirigé son intérêt envers le public japonais, et les publics asiatiques par extension (Taiwan, Macau, Hong Kong, Singapour, Corée du Sud), et leur a consacré une offre foisonnante. Les publics occidentaux sont dubitatifs, doutent parfois de l'application de cette mesure, ou simplement, attendent de voir ce qu'il se passera à la date fatidique du 19 mars. Est-ce simplement le reste de l'Asie qui sera concerné ? Est-ce que les Etats-Unis seront concernés et pas l'Europe ? A quel rythme ce service va-t-il s'ouvrir à l'Occident ? Les Européens devront-ils attendre encore un an ? Si les choses se passent bien, et qu'effectivement le service eAMUSEMENT ouvre ses portes à l'international dans 10 jours, la voie est toute tracée pour Konami, pour diversifier une nouvelle fois son offre à l'international, en déclinant par exemple ces jeux musicaux sur console de jeu, après un très bon opus DDR Hottest Party 5 (2011) sur Wii. Mais en tout cas, si Konami tient ses promesses, les publics occidentaux seront sans doute satisfaits de la faveur que leur fait Konami en faisant revivre l'arcade dans ces pays, et notamment en Occident où l'offre est très limitée. Ce service, s'il fonctionne, pourra peut-être augmenter l'attractivité des salles d'arcade, tout du moins vis-à-vis de la communauté de fans existante. Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Sources[1] https://zenius-i-vanisher.com/v5.2/viewthread.php?threadid=7390 (en anglais) : R.I.P. Programmed World [2] https://itunes.apple.com/fr/app/jukebeat/id447276082?mt=8 : Présentation par iTunes de l'application Jukebeat. [3] https://itunes.apple.com/fr/app/reflec-beat-+/id514257654?mt=8 : Présentation par iTunes de l'application Reflec Beat +. [4] http://p.eagate.573.jp/gate/p/mypage/site_info_skeleton.html?cip=eAGATE_INFO&pid=PC-WEB&msgtype=25&mid=29189 (en japonais) : L'actualité qui fait débat... [5] https://zenius-i-vanisher.com/v5.2/viewthread.php?threadid=7392 (en anglais) : E-amusement Global Service. [UNCONFIRMED] Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
Les représentations du jeu vidéo dans les œuvres qui vont être décortiquées dans cet article auront sans doute vite fait de hérisser le poil des détracteurs du jeu vidéo. Aujourd'hui, nous allons jeter un œil sur certains mangas (et manhwas) qui donne une représentation bien négative des jeux vidéos, en essayant de chercher des points de convergences entre des scénarios assez différents, et pour voir comment les mangakas exploitent le filon pour l'écriture de dystopies savamment écrites. Pourquoi dans les mangas et pas en littérature occidentale ?Qu'on se le dise, on a tous entendu parler des polémiques comme quoi le jeu vidéo rend violent, le jeu vidéo, on y devient vite accro, le jeu vidéo c'est mal, et le traitement des médias concernant les jeux vidéo n'aide franchement pas à redorer le blason de l'univers vidéoludique. Médias de masse et jeux vidéos, visiblement, ce n'est pas le grand amour, entre méconnaissance avérée des gens qui osent en parler ou regard condescendant sur cet art, et ça fait rire comme ça énerve la webosphère. Vous vous souviendrez peut-être de la célèbre boulette qu'a faite Nathanaël de Rincquesen dans Télématin sur France 2, en nommant le genre des MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Games signifiant « jeu de rôle en ligne massivement multijoueur ») Meuporg, et en épelant cela MMMPORPG, lui valant les moqueries des internautes, et plus gentiment de son équipe de rédaction [1]. Peut-être que le tollé qu'a fait Canal + et son Grand Journal ne vous est pas inconnu non plus. C'est cette fois Mathilde Serrell, chroniqueuse, qui a totalement décrédibilisé les jeux vidéos et heurté les joueurs alors qu'elle parlait du rachat de la plateforme Twitch (qui permet de regarder des streams, vidéos retransmises en direct par des joueurs en train de jouer) par Amazon, et l'animateur Antoine de Caunes n'a pas hésité à enfoncer le clou, en disant des utilisateurs sur Twitch qu'ils n'ont vraiment « rien d'autre à foutre de [leur] vie ». Rien que ça. Cela a également provoqué de vives réactions sur la Toile ; d'ailleurs, une pétition a rassemblé en moins de 72h plus de 70 000 internautes, exigeant des excuses à la communauté des joueurs de jeu vidéo [2] [3]. Tout ça pour vous dire qu'il semble normal qu'en France, l'idée d'un jeu vidéo subversif aurait vite fait de provoquer une catastrophe. En effet, le jeu vidéo est considéré comme facteur d'addiction au même niveau que la drogue et l'alcool ou encore les réseaux sociaux, comme le témoigne la dernière campagne de l'INPES (Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé) pour les CJC (Consultations Jeunes Consommateurs), ayant une fois encore provoqué la furie des gamers mais aussi du Syndicat du Jeu Vidéo, qui dénonce notamment la représentation du joueur de jeu vidéo dépeinte dans la vidéo qui lui est consacrée, que vous pouvez visionner ci-dessous [4]. Il faut cependant relativiser la gravité des choses : l'INPES insiste sur les conduites addictives basées sur la répétition abusive de consommation d'alcool, de cocaïne... mais aussi des réseaux sociaux et des jeux vidéos, et les défenseurs du jeu vidéo, bien qu'ayant raison sur le fait que classer le jeu vidéo au même degré que drogue et alcool, sont peut-être montés au créneau un peu vite. Toujours est-il que le blason du jeu vidéo doit encore être redoré, même si certains ont pris le parti très astucieux d'utiliser le jeu vidéo comme moyen de renouer avec la communication familiale ou comme moyen de lutte contre la dépression : on pense notamment à Sparx [5] ou à Clash Back qui a fait l'objet d'un article il y a quelques mois [6]. Quels mangas ?Nous allons nous intéresser à quatre mangas / manhwas qui positionnent à un niveau plus ou moins central le jeu vidéo dans la formation d'un monde dystopique : - Kamisama no iutoori, traduisez Comme Dieu l'a dit, manga dont la première partie est sortie en France sous le nom Jeux d'enfants en 5 tomes grâce aux éditions Pika en 2014 ; - Dice, manhwa sorti en 2013, traduit en anglais par Dice : the Cube that changes everything ; - Darwin's Game, manga édité par les éditions Ki-Oon depuis 2014 ; - Doubt, manga en 4 volumes édité par les éditions Ki-oon entre 2009 et 2010. Ces quatre récits peuvent être tous considérés comme des survival games, c'est-à-dire des jeux de survie dans lesquels, on s'en doute bien, les personnages vont mourir un à un jusqu'à la fin du jeu sanglant. Il faut noter que ces quatre œuvres ne situent pas toutes le jeu vidéo au cœur de l'histoire : Dice et Darwin's Game placent effectivement le jeu vidéo comme thématique centrale de leurs récits, alors que dans Doubt, le jeu vidéo ne sert que de cadre et dans Kamisama no iutoori, le jeu vidéo est discrètement mentionné. Avant de continuer, un petit synopsis de chaque récit va être effectué, sans trop rentrer dans les détails bien évidemment, pour que vous puissiez savourer chacune de ces productions : - Kamisama no iutoori est certainement le plus « graphique » d'entre eux parce qu'il n'hésite pas à montrer le sang, que la mort n'est pas suggérée, et que les personnages meurent à tour de bras. Sans nul doute la plus cynique des quatre productions, le jeu n'hésite pas à décider du sort de ces pauvres étudiants dans un jeu de pile ou face ou à pierre-feuille-ciseaux ! Pour rentrer dans les détails, c'est l'histoire d'une lutte pour la survie de lycéens impliqués malgré eux dans des jeux d'enfants (ce qui explique le titre français) comme 1, 2, 3, Soleil, la marelle, la corde à sauter ou le tir à la corde, adaptés dans une version ultra-sanglante qui conduira la plupart de ses joueurs vers la mort. L'histoire va mettre en scène des lycéens qui auront préalablement survécu à la partie de cache-cache la plus meurtrière qui soit, qui se sera déroulée en classe après assassinat du professeur par le jeu : les étudiants ont été livrés à eux-mêmes lors de ce jeu qui a vu la mort instantanée et sanglante des joueurs ayant bougé (pas de retour au poulailler !), et la victoire du seul joueur ayant appuyé sur le bouton situé au dos du daruma (le Soleil français étant un daruma japonais), les autres joueurs étant condamnés à une mort immédiate et sanglante dès la fin du jeu. Cette histoire qui prend tout d'abord place dans un lycée japonais se révèle en réalité se dérouler simultanément dans tout le Japon, et dans le monde entier ! Le but étant de trouver à l'issue de tous ces jeux plus cruels les uns que les autres celui, celle ou ceux qui accéderont à des pouvoirs divins. - Dice nous conte l'histoire d'un monde où les apparences sont extrêmement importantes, comme c'est finalement déjà le cas en Corée du Sud. On suit les aventures de Dongtae, victime extrêmement fréquente d'harcèlement scolaire, qui verra sa vie changer dès lors qu'il aura rencontré Taebin, jeune éphèbe, dont la vie a changé grâce à... des dés ? Dès lors que Dongtae lance son premier dé, sa vie change du tout au tout, lui permettant de faire ses premiers pas dans un jeu vidéo dans la vie réelle : un maître du jeu, X, va donner des quêtes à toutes les personnes impliquées dans ce jeu, et la réussite de ces missions va offrir d'autres dés à ces joueurs qui pourront, comme dans les RPG, améliorer leurs capacités. Ils pourront ainsi devenir plus beaux, plus intelligents, plus rapides, plus forts, et acquérir de nouvelles capacités au fur et à mesure de leur progression. Là commence la course pour être le meilleur, et ultimement, acquérir le dé ultime qui permettra à quiconque le lancera d'acquérir des pouvoirs divins... tiens tiens ! Envie et jalousie seront de mise dans cette histoire ! - Darwin's Game nous raconte l'histoire de jeunes naïfs téléchargeant une application après y avoir été invités par un de leurs amis sans trop savoir de quoi il en retourne. Dès lors l'application téléchargée, les joueurs se font mordre au cou par un serpent et leur enfer va commencer à ce moment-là. Commence pour eux une aventure dans un jeu vidéo dans la vie réelle de combats... à mort en un contre un (mais un joueur peut quand même se rendre, ouf !). Comme dans les MMORPG, il existe un système de clans, il est possible d'acheter des objets à l'aide de points acquis après avoir gagné des combats. Kaname Sudo est le héros que l'on va suivre, et qui va gagner ses premiers matchs avec un peu de chance, un zeste d'analyse et souvent le secours d'alliés. Ne voulant pas au début s'adonner à ces matchs à mort, et n'ayant d'ailleurs pour le moment jamais tué un seul de ses adversaires, il doit se rendre à l'évidence et tout faire pour survivre, dans une compétition permanente (on n'échappe pas à un combat !) où soif de combat et appât du gain (un point correspond à 100 000 yen, c'est-à-dire 750 euros, et les points s'acquièrent plutôt rapidement !) rendent la compétition d'autant plus féroce. - Doubt enfin met en scène une application mobile faisant fureur au Japon : le Rabbit Doubt, qui s'inspire des jeux de société Mafia (en France : Les Loups-Garous de Thiercelieux) où l'ensemble des joueurs doivent accuser et trouver celui qui chaque nuit dévore l'un d'entre eux. Méfiance et trahisons seront ici de mise, dans un jeu qui se finit dès lorsqu'on démasque le coupable ou si celui-ci dévore tous les autres joueurs. Sauf que, manque de pot, le jeu vidéo va devenir réalité, et ce qui devait être une partie virtuelle va se dérouler dans la vraie vie, en commençant par l'assassinat d'une des joueuses. Récit plutôt bien ficelé, il connaît une fin très inattendue, qui déroutera les lecteurs dont toutes les certitudes seront remises en question, et au final il en est de même pour les joueurs à l'intérieur du récit, qui, au fil du récit, verront leurs convictions s'écrouler. JEU VIDÉO ET DYSTOPIE : LE CONTRÔLE DU VIRTUELSi on jette un œil sur ces quatre productions, vous l'aurez compris, on y trouve bien évidemment du jeu vidéo ! De façon prépondérante dans Dice ou dans Darwin's Game, en témoignent leurs titres faisant directement référence au jeu, comme de façon beaucoup plus discrète comme dans Doubt ou Kamisama no iutoori, le jeu vidéo pose un cadre : si on compare le cadre institué par le jeu vidéo dans ces quatre œuvres, on remarque d'abord que les règles du jeu sont celles qui vont régir le monde, et à partir de là émergent deux profils contradictoires : ceux qui plongent dedans la tête la première et ceux qui remettent en question les fondations posées par le jeu vidéo. Les thématiques récurrentes sont les mêmes : survie, envie, trahisons et peur sont les maître-mots de ces jeux. Finalement, les codes de la dystopie (ou contre-utopie) sont présents : les sociétés créées par ces jeux vidéo sont difficiles à vivre, et chaque jour, on craint pour sa vie. Un monde dystopique impose sa façon de penser à l'ensemble des protagonistes, et une poignée d'entre eux vont aller à l'encontre de ce système, et doivent parfois se battre selon les règles de ce système avant de pouvoir le détruire. Dans de tels monde, rares sont ceux qui accèdent à la félicité et au bonheur et nombreux sont des laissés pour compte, dans des mondes où le cadre instauré est surpuissant. Tout comme dans les récits dystopiques archi-connus et adaptés au cinéma comme Hunger Games, Divergente et Le Labyrinthe [7], le monde dans lequel va atterrir le héros est catastrophique, et finalement, on va retrouver des profils de personnages dans tous ces mangas : le héros qui veut arrêter l'engrenage dans lequel il est engagé, le personnage que l'on déteste ou que l'on aime (pas de demi-mesure !) dont la motivation et l'adrénaline sont décuplées par le nouveau système mis en place dont il connaît toutes les ficelles, et qui est prêt à en découdre, les suiveurs qui n'anticipent en rien leurs actions, les conduisant assez rapidement vers la mort, etc. Se rajoutent en particulier dans ces œuvres issues d'Extrême-Orient, les personnes enquêtant sur ce système qui les dépasse, et surtout l'entité (dont on doute souvent de l'humanité, dans le sens propre comme dans le sens figuré du terme doute) qui contrôle cyniquement le système, qui ne connaît pas l'empathie ni la compassion, et surtout pour qui les règles sont les règles. Dans ces histoires, la vie ne serait-elle finalement un jeu vidéo où le maître du jeu, qui contrôle de A à Z l'univers qu'il a créé, joue avec ces misérables humains dont la vie importe autant que celle de pions ? C'est notamment le cas dans l'un d'entre eux (pour éviter le spoiler, nous ne dirons pas lequel !), où l'on se rend compte que le personnage maître du jeu joue littéralement à un jeu vidéo mettant en scène les personnages confrontés à ce système et les objets/outils/personnages utilisés pour donner du fil à retordre aux joueurs. Le personnage maître du jeu sera tantôt visible et s'adressera de façon concrète aux joueurs, tantôt invisible et les joueurs s'adresseront à lui par le biais de messages texte, en tentant de percer son identité autant que les mystères du jeu, qui seront distillés un à un de façon dramatique, tantôt par le maître du jeu, tantôt par les joueurs eux-mêmes... Car oui, dans ces mangas, moins on en dit, mieux c'est : les personnages sont livrés à eux-mêmes à tout instant, ce qui est d'autant plus injuste pour les joueurs qui entrent à peine dans le système. Typiquement, le héros entre dans un système que certains connaissent sur le bout des doigts, et il est totalement lésé, et on découvre les règles du jeu au même rythme que le protagoniste principal. Les règles quand elles ne se réinventent pas sans cesse sont méconnues des joueurs, et ce généralement jusqu'au faux pas de l'un d'entre eux, conduisant de façon quasi-certaine à sa mort immédiate, ceci ayant au moins le mérite d'ouvrir les yeux des autres joueurs concernant le nouveau danger à venir, et ceci est d'autant plus pervers dans Kamisama no iutoori qui voit défiler les jeux tous aussi sanglants et dangereux les uns que les autres. Ceci vaut aussi pour les autres jeux dont on ne cesse de découvrir les subtilités mortelles que certains n'auront pas saisi. Dans Dice et Darwin's Game plus précisément, et de façon plus mineure dans Doubt et dans Kamisama no iutoori (c'est plutôt le cas d'un de ses personnages), le jeu vidéo se situe dans un phénomène d'addiction : plus on joue, plus on veut jouer. Plus on veut jouer, plus vite on veut en découdre, et nombreux sont les joueurs qui veulent devenir les meilleurs, comme dans Dice ou encore les plus riches, comme dans Darwin's Game. Dans des pays hyperconnectés comme le Japon et la Corée du Sud, où le téléphone portable est un objet indispensable du quotidien, et surtout où on n'hésite pas à représenter les personnages avec leur téléphone, il semble aisé de comprendre que cette addiction au jeu se lie à cette addiction au téléphone portable, et le jeu s'emporte partout, le téléphone représentant au même titre que le dé un artefact du jeu. Ainsi, tout comme on jouerait à un jeu sur téléphone mobile comme Candy Crush Saga, on n'a cesse de suivre son évolution dans le jeu mais aussi celle de son voisin, concurrent potentiel. Finalement, on assiste à la porosité entre jeu et réalité, au travers du prisme de la question suivante : que deviennent les relations humaines entre deux personnages ? Reste-t-elle intacte ou se voit-elle altérée au prix de sa propre survie ? Les personnes qui hier étaient vos amis sont maintenant vos rivaux dans le jeu... ce sont les mêmes physiquement, mais est-ce que ce sont les mêmes suite à leur implication dans les divers jeux ? C'est donc extrêmement souvent qu'une personne trahira celui ou celle qui était censé être son ou sa (meilleur-e) ami-e au prix de sa survie dans le jeu. Finalement, c'est classique et très convenu, mais jusqu'au bout, le héros va tenter de garder son intégrité et ne pas succomber à l'inhumanité du jeu, et très souvent il se trouvera bien embêté quand il voudra sauver toutes les relations qu'il a créées au sein du jeu. Et vous, comment auriez-vous réagi à la place des héros et autres joueurs ? Avez-vous ressenti de l'empathie pour un personnage en particulier ? Celui-ci est-il mort trop tôt pour vous ? Que pensez-vous des systèmes mis en place par ces jeux vidéos ? Si vous n'avez lu aucun de ces mangas, avez-vous envie de les lire ? Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Sources[1] http://www.melty.fr/france-2-la-boulette-d-un-journaliste-a-actu31544.html : France 2 : La boulette d'un journaliste à propos des "Meuporg" fait le buzz. [2] http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/09/01/antoine-de-caunes-s-excuse-d-avoir-froisse-les-joueurs-de-jeu-video_4479800_4408996.html : Antoine de Caunes s'excuse d'avoir « froissé » les joueurs de jeu vidéo. [3] http://www.gameblog.fr/news/45435-l-affligeante-chronique-sur-twitch-du-grand-journal-de-canal : L'affligeante chronique sur Twitch du Grand Journal de Canal+. [4] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/01/14/23259-fabricants-jeux-video-colere-contre-campagne-prevention : Les fabricants de jeux vidéo en colère contre une campagne de prévention [5] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/04/24/18054-jeu-video-pour-combattre-depression-chez-ados?position=4&keyword=jeu+vid%C3%A9o : Un jeu vidéo pour combattre la dépression chez les ados [6] http://unoeilsurlejv.weebly.com/un-oeligil-sur-le-jeu-videacuteo/clash-back-renouer-le-dialogue-avec-le-jeu-video : Clash Back : renouer le dialogue avec le jeu vidéo [7] http://littledystopias.weebly.com/ : le blog d'une de mes collègues concernant les dystopies et les romans ados, allez y faire un tour, ça vaut le coup ! Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
Être amené à tester un jeu en avant-première est rare. C'est un privilège réservé à peu d'entre nous, pourvu que l'on soit finalement dans les bons réseaux. Tester un jeu se fait à plusieurs moments de la chaîne de conception du jeu, parfois assez tôt dans la conception du jeu, parfois très tard, quand le jeu est considéré comme fini et simplement en recherche de cobayes qui repéreraient les divers bugs (graphismes, gameplay, orthographe). Nous allons nous intéresser à plusieurs exemples de playtest, pour essayer de comprendre les enjeux de montrer un jeu avant sa sortie à un certain public. Se dévoiler et subir les critiquesEst-ce que la façon dont on a conçu notre jeu va convenir à nos joueurs ? Telle est la question que se posent les concepteurs de jeu vidéo à tout moment de la chaîne de création de leur œuvre. L'amélioration de l'expérience utilisateur va être le maître-mot lors de cette phase de playtest. Il va d'ailleurs sans dire qu'un bon jeu vidéo est un jeu vidéo qui va être joué, apprécié par le plus grand nombre, mais que l'équipe de conception n'est évidemment pas un échantillon représentatif de la population. En effet, en plein dans la création de leur jeu, une telle équipe donnera de toute façon une opinion biaisée de leur propre jeu, et il semble naturel que des testeurs fassent office de regard extérieur et objectif. Sans doute qu'au sein de l'équipe de conception, il subsiste encore des problématiques, des doutes, des choix encore en balance, lorsque le jeu est présenté au public des playtesters. D'autant plus que ces testeurs peuvent intervenir à des moments différents de la chaîne de la conception du jeu : que ce soit juste avant la sortie du jeu - et on peut penser là aux bêta fermées puis ouvertes que les MMORPG mettent notamment en place, comptant énormément sur les feedback des joueurs - ou à un stade moins avancé, notamment pour des questions d'ajustement du gameplay, pour éviter que le jeu, quand il sortira, soit trop ou pas assez difficile pour le joueur. Il faut d'ailleurs signaler que le métier de testeur existe effectivement, mais il ne faut pas se faire trop d'illusions : le testeur ne se contente pas de jouer pour jouer. Le testeur est un chasseur de bugs invétérés et tel un professeur qui corrigera la rédaction d'un de ses étudiants en y repérant fautes d'orthographe, de syntaxe ou passages mal dits. Le testeur traquera la moindre imperfection dans les décors, la moindre faute dans les textes, s'assurera que tout est à sa place et bien calibré, que le volume du bruitage n'est pas trop fort ou trop faible. En bref, son travail est multiple, et bien que nécessitant pas une qualification énorme (un Bac suffit généralement pour postuler à une telle fonction), son rôle est primordial, et le testeur devra faire preuve d'énormément de rigueur et de patience. Refaire un niveau dix ou vingt fois ne doit pas être un problème pour lui, tant qu'à la fin, il peut s'assurer que l'expérience utilisateur est bonne et que le jeu est faisable par tous les joueurs, sans pour autant rendre la tâche trop facile pour tout le monde. Le niveau ou le passage doit être franchissable, en prenant compte des acquis issus du temps déjà consacré sur le jeu, sans pour autant que la solution soit évidente - il faut après tout que le joueur ait un challenge à relever ! Il a un rôle d'ajustement et représente un relais avec les équipes de création (programmeurs, level designers, score designers, etc). Si on s'est intéressé ici au testeur en tant que métier, il ne faut pas oublier que certains studios ouvrent leurs portes au public pour qu'ils puissent tester le jeu et donner leur avis, et une deuxième partie sera consacrée aux expériences de playtest grand public. Joueurs, on a besoin de vous !Une personne lambda qui va tester un jeu aura généralement les mêmes missions que celles décrites ci-dessus, mais de façon plus light bien évidemment - on ne va pas demander à un joueur de consacrer une semaine de son temps pour un jeu qu'il ne va pas forcément acheter ! Généralement, on demande aux testeurs d'un jour de se confronter au jeu pendant une durée limitée (une demi-heure comme une demi-journée, tout dépend là des besoins de l'équipe de conception), après avoir reçu des informations plus ou moins détaillées autour du jeu lors d'un brief succinct. Si le concept du jeu est nouveau, quelques mots seront dits sur le concept avant de laisser le joueur naviguer librement dans le jeu ; si on a affaire à une suite, le comparatif sera souvent fait avec les opus précédents, dans le but de voir comment l'expérience utilisateur évolue au passage à l'opus suivant, en espérant bien évidemment qu'elle ne se dégrade pas. Ici, l'expérience de jeu n'est pas assistée : le joueur-testeur n'aura pas le droit de solliciter un membre de l'équipe pour l'aider, sauf en cas bien entendu de problème majeur qui empêcherait le joueur d'avancer - mais généralement de tels cas sont rares, ou alors une importante remise en question s'impose. Comme dans le cas de tests professionnels, le testeur d'un jour est invité à passer tous les éléments du jeu en revue : graphismes, univers sonore, gameplay, textes, etc. Il n'est pas rare que le joueur soit filmé lors de sa session de jeu, avec un focus effectué sur le visage. Ceci n'est évidemment pas pour le but de garder un souvenir de la session de test, mais pour permettre à l'équipe de création qui aura pris le soin d'enregistrer la session de jeu de faire concorder ces deux vidéos, et de s'en servir comme un rapport d'étonnement, en partant évidemment du postulat que si le joueur fait une grimace ou une tête étrange, c'est que quelque chose a attiré son attention, en bien ou en mal. De plus, le joueur est invité à prendre des notes sur les feuilles blanches souvent mises à sa disposition, pour ensuite en parler lors d'un debriefing avec les membres de l'équipe, ou encore une fois, chaque aspect du jeu va être passé en revue et discuté lors d'entretiens individuels ou d'entretiens de groupe. Le tout se fait généralement dans une ambiance conviviale - n'oublions pas que les testeurs d'un jour sont souvent invités pour ça. Dans tous les cas, l'expérience de playtest est quelque chose à vivre, ne serait-ce que pour contribuer, à sa façon, à la conception d'un jeu, dans son débuggage, dans la réflexion ou l'ajustement de son gameplay, ou tout simplement pour confirmer que les créateurs vont dans la bonne direction. C'est d'ailleurs une expérience humaine tout à fait sympathique, car autant que le jeu, c'est l'équipe de création qui se dévoile à vous, qui va expliquer, défendre, mais aussi remettre en question leurs choix en votre présence, le tout dans une ambiance très propice au dialogue. C'est également le moyen de jeter un coup d’œil sur l'envers du décor, pour ceux qui n'auraient pas la moindre idée du processus de fabrication d'un jeu : cela permet de rencontrer tous les acteurs dans le développement d'un jeu, et rien que ça, c'est quelque chose d'extraordinaire. N'oubliez pas qu'une fois avoir testé un jeu, vous serez soumis à un contrat de non-divulgation, ce qui est naturel mais qu'on oublie trop souvent : vous serez confronté à une oeuvre de l'esprit qui n'aura pas été encore divulguée, ça serait donc pas très sympathique de révéler à qui le voudra des aspects d'un jeu sur lequel les créateurs auront dépensé énormément de temps et d'énergie... Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
Mercredi 18 février est sorti un free-to-play disponible sur le Nintendo eShop sur Nintendo 3DS nommé Pokémon Shuffle. D'aucuns se demanderont ce que vaut ce nouveau jeu estampillé Pokémon : nous allons jeter un coup d’œil sur ce jeu sous le prisme d'une comparaison avec le très célèbre Candy Crush Saga, en se demandant à quel degré se place ce jeu sur une ligne virtuelle entre le pur produit Pokémon et Candy Crush Saga. Un nouveau spin-off Pokémon ?Tout le monde connaît la saga principale des Pokémon : des indétrônables Pokémon Rouge / Bleu / Jaune aux derniers Pokémon X et Pokémon Y, en passant par les remakes, ces jeux qui réécrivent leur prédécesseur quelques années après leur sortie, comme Pokémon Rouge Feu et Pokémon Vert Feuille, Pokémon HeartGold et Pokémon SoulSilver ou plus récemment Pokémon Rubis Oméga et Pokémon Saphir Alpha. Certains auront décidé de s'arrêter aux premiers opus sur Game Boy Color, en fustigeant la créativité parfois douteuse des créateurs de Pokémon, et d'ailleurs, les Internets auront donné à ces puristes de la première génération le nom de genwunners. D'autres quant à eux auront joué à tous les épisodes de la saga principale des Pokémon, en terminant chaque jeu de A à Z et en remplissant à chaque fois leur Pokédex de façon consciencieuse. Mais Pokémon, ce n'est pas que les jeux vidéos de la saga principale, c'est aussi un nombre incalculable de spin-offs, tous ces jeux autour de l'univers des Pokémon, et notamment Pokémon Stadium et Pokémon Stadium 2, qui ont émerveillé les joueurs sur Nintendo 64 qui pouvaient notamment jouer à leur cartouche de Game Boy Color sur leur écran de télévision. C'était aussi des jeux plus anecdotiques, comme Pokémon Dash, sorti au lancement de la Nintendo DS, nous permettant uniquement de contrôler Pikachu dans un jeu de course, Apprends avec Pokémon : à la conquête du clavier, nous permettant d'apprendre à taper rapidement en compagnie de, tenez vous bien, Alphonse Zerty (A. Zerty) et Caro Base ! (en anglais Quentin Werty - Q. Werty et Paige Down). C'est aussi quelques sagas qui ont connu un certain succès comme Pokémon Donjon Mystère (6 épisodes en Occident, 9 au Japon) reprenant le concept des Dungeon RPG à la sauce Pokémon, ou Pokémon Rumble (3 épisodes) qui font de Pokémon un beat'em all ! Pokémon Shuffle s'insère ainsi dans cette catégorie des spin-offs : est-ce que Pokémon Shuffle est une bonne idée sortie de chez The Pokémon Company ou une simple envie de sortir son Candy Crush Saga ? Avant de s'intéresser à une comparaison de son gameplay avec celui de Candy Crush Saga, nous allons nous intéresser à ses aspects purement Pokémonesques. Dans une optique de la simplification de son gameplay, le jeu attribue un seul et unique type à chacun de ses Pokémon : à chaque Pokémon un seul type, et ce type aura une importance primordiale dans le gameplay du jeu. En effet, le principe consiste à battre, voire de capturer le Pokémon que l'on affronte à chaque niveau. Ce Pokémon aura donc un type et un seul, et il faudra sortir les Pokémon dont le type est avantageux face à celui que l'on affronte. Plus de questionnement sur les double-types, du genre « un Pokémon de type Eau est sensible au type Electrik, mais s'il est également du type Plante, il perd sa sensibilité à ce type Electrik », et surtout, fini le casse-tête qui lui est inhérent. Cela peut dérouter les puristes qui s'insurgeront peut-être face au fait que le second type non retenu d'un Pokémon aurait été efficace contre l'adversaire qu'il va affronter. Les types sont d'autant plus importants que si le joueur effectue un mauvais choix de Pokémon, le niveau lui sera difficile voire impossible ! Il manque d'ailleurs une table des types pour que les néophytes qui ne connaissent pas Pokémon puissent apprendre ce concept de base néanmoins fondamental... Un autre point qui peut faire réagir est le choix d'un Pokédex limité à 159 Pokémon pour le moment sur les 721 Pokémon qui existent en tout, ce qui ne ferme cependant pas les portes à une mise à jour qui ajouterait plus de niveaux. Le système de capture de Pokémon est présent, car finalement, qu'est-ce qu'un jeu Pokémon si on ne peut pas capturer et collectionner des Pokémon ? A la fin de chaque niveau, le joueur a la possibilité de capturer le Pokémon qu'il vient d'affronter si jamais il remporte son combat face à lui, et chaque Pokémon a un taux de capture auquel s'ajoute un pourcentage supplémentaire selon le nombre de coups restants à la fin du combat, ce qui permet, comme dans les jeux Pokémon traditionnels, d'instaurer un système de rareté, et de faire vivre cette frustration existante dans les jeux Pokémon, qui survient lorsqu'on n'arrive pas à capturer l'une des créatures, réputées comme rares. Le système d'expérience est également présent, et un Pokémon qui aura effectué un grand nombre de combats aura un niveau plus élevé et ainsi frappera plus forts. Le système de méga-évolutions introduit dans Pokémon X et Pokémon Y est lui aussi présent. Un Pokémon pourra ainsi commencer la partie dans sa forme normale, et si on fait suffisamment de combinaisons à l'aide de ce Pokémon, celui-ci pourra méga-évoluer, ce qui permettra au joueur qui fera de nouvelles combinaisons à l'aide de ce même Pokémon, d'avoir accès à des coups très utiles pour terminer le niveau (éliminer la moitié du tableau, éliminer toutes les cases voisines, etc). Est-ce que cela suffira à faire de Pokémon Shuffle un jeu populaire ? Un Candy Crush Saga de plus ?La chose suivante est indéniable : le système de capture inhérent à Pokémon est une réelle plus-value, en conférant au jeu une réelle rejouabilité pour les joueurs voulant remplir leur Pokédex jusqu'au bout. Mais ce n'est pas la seule chose qui différencie Pokémon Shuffle et Candy Crush Saga : tout d'abord, si on examine en profondeur le gameplay, on remarque qu'on n'a plus besoin d'échanger les pièces de proche en proche, mais on peut échanger deux pièces situées à l'opposé l'une de l'autre, ce qui augmente les temps de réflexion en ce sens que l'on peut envisager des possibilités à l'échelle du plateau entier. Mais il ne faut pas croire que le jeu s'en retrouvera pour autant facilité, car les Pokémon auront le droit de répliquer en lançant des attaques sur le plateau, qui peuvent geler des pièces, ou transformer des pièces en blocs cassables ou non, ce qui augmente considérablement la difficulté d'un plateau. Cependant, le joueur pourra être surpris quand le Pokémon adverse transformera des pièces en d'autres à son effigie... permettant parfois de créer de nouvelles combinaisons accélérant la réussite du niveau, ce qui fera sourire certains joueurs, ou ce qui en frustrera d'autres, lorsqu'un niveau sera gagné sans même que le joueur ait effectué le moindre coup ! Dans Pokémon Shuffle, il y a trois types de monnaie : les cœurs, les pièces et les joyaux. Et contrairement à d'autres jeux, il n'y a aucune porosité entre l'utilité de ces trois monnaies : les cœurs, réservoir que l'on peut remplir jusqu'à 5 cœurs et qui se recharge à la vitesse d'un cœur toutes les demi-heures, représentent le nombre de parties qu'il nous reste à jouer avant de devoir trépigner d'impatience avant la suivante. A noter : 1 partie = 1 cœur, que l'on perde ou que l'on gagne le combat, ce qui diffère de Candy Crush Saga où l'on ne perd une vie que quand on perd la partie, mais on suppose que c'est pour éviter de gagner de l'expérience à l'infini sur les premiers niveaux sans perdre de cœur, et pour éviter de capturer tous les Pokémon trop facilement ! Les pièces permettent d'acheter des bonus pour faciliter notre partie (Coups +5, Exp x1.5, Méga-Départ, Pokémon -1, Retard'Entrave), et les joyaux permettent soit d'acheter des cœurs ou des pièces, soit de rajouter des coups ou du temps supplémentaires si le niveau n'est pas réussi. Les joyaux, monnaie la plus précieuse du jeu, quand ils ne s'achètent pas sur le Nintendo eShop, se gagnent relativement régulièrement mais avec parcimonie : une fois une zone de 10 à 20 niveaux terminée, ou si l'on croise des joueurs souvent par StreetPass. StreetPass, parlons-en ! Si on peut saluer l'implémentation du StreetPass, qui permet de gagner des cœurs ou des joyaux après un certain nombre de rencontres (ou après plusieurs rencontres avec la même personne), on déplorera le fait qu'il est uniquement possible de comparer son temps de jeu, le nombre de niveaux réussis, le nombre de Pokémon capturés et le nombre de rencontres Streetpass avec une personne que l'on a croisée. Il est impossible de défier un joueur sur un niveau donné ou de comparer ses scores avec lui, et encore plus de jouer face à lui, dans le cadre d'un combat Pokémon qui aurait pu être bienvenu dans une conception très Nintendoïenne de jeu familial et surtout multi-joueur. Malgré tout, le jeu est très satisfaisant en lui-même, et propose également de télécharger du contenu en ligne : à part le bonus de connexion quotidien, se connecter permet de débloquer des niveaux spéciaux, accessibles pour une durée limitée (souvent 24h), ce qui permet de gagner plus de pièces ou de capturer d'autres Pokémon. Les niveaux EX quant à eux sont des challenges de taille, où il n'est plus question de gagner dans un nombre de coups donnés, mais avant la fin d'une limite de temps, dans des niveaux très corsés (2/3 de la grille gelée, un Pokémon qui attaquera très souvent quand sa vie est basse, etc). Le tout donne un jeu plutôt sympathique à jouer, au moins aussi addictif qu'un Candy Crush Saga, mais sur Nintendo 3DS : cela permettra notamment au joueur accro ... de jongler entre Pokémon Shuffle et Candy Crush Saga ! Trêve de plaisanterie, le jeu vaut quand même le coup, ne serait-ce que pour le fait que c'est une initiative de Nintendo pour entrer dans le monde du free-to-play, et de se positionner face à de mastodontes comme ceux de chez King, en se révélant être un jeu tout aussi accessible que Candy Crush Saga, donc pour petits et grands. On attend cependant de nouvelles mises à jour qui pourraient rajouter de nombreuses fonctionnalités : nouveaux Pokémon dans le Pokédex, rajout de fonctionnalités supplémentaires au StreetPass, une table des types, etc. Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Sources
Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
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L’ŒIL D'UN ÉTUDIANT EN COMMUNICATIONÉtudiant en Master Pro Communication & Générations (spécialité jeunesse et enfance) à l'université Bordeaux Montaigne.
Joueur de jeux vidéos, mais pas que. Je vous propose un regard éclairé sur la notion de jeu vidéo et toutes ses extensions. Ne vous attendez pas forcément qu'à du Pokémon, Call Of Duty, FIFA ou des Sims. Je compte aussi sur mon expertise en japonais et en linguistique pour créer un regard analytique novateur sur l'actualité vidéoludique. Twitter : @jpdurd Archives
Mars 2015
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