Il fut un temps où existaient des jeux sur Facebook, nous nous rappelons certainement des CityVille, Pet Society ou des Sims Social qui ont dévoré nos journées, ou qui en ont peut-être énervé certains, excédés par le flot de demandes d'aide pourrissant leur fil d'actualité. Le jeu portable dit addictif a changé de plateforme, et est passé de Facebook et nos ordinateurs à nos téléphones portables, signant ainsi l'arrêt de mort de notre productivité. Le jeu vidéo gratuit qu'on transporte partout, une pratique démocratiséeLe jeu vidéo mobile se place dans une équation idéale : dans un monde où un certain nombre d'entre nous ne peut plus se passer de son téléphone portable, dans un monde où l'inactivité n'est plus permise et où passer du temps à ne rien faire est totalement surfait, le jeu vidéo mobile répond à un besoin d'immédiateté, afin de remplir nos mains avec une activité, histoire de patienter jusqu'à l'échéance suivante. Une étude du CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée) datant d'octobre 2014 [1] nous fait part des pratiques vidéoludiques des Français, et croyez-le ou non, vous serez surpris ! Cette étude portant sur pas moins de 2800 sujets âgés de 6 à 65 ans et discrimine les joueurs en ligne, hors ligne ou jouant à ces deux types de jeux, ainsi que les joueurs ayant déjà payé pour jouer et ceux qui ne l'ont jamais fait. Tout d'abord de façon générale, la France dénombre 71,2% de personnes ayant joué aux jeux vidéo au cours des six derniers mois (donc potentiellement 34 millions de personnes), et parmi elles près de 60% des ces personnes jouent pour passer le temps. C'est aussi près de 50% de joueurs quotidiens, et près de 25% de joueurs jouant plus d'une fois par jour. Hommes et femmes de toutes les catégories socio-professionnelles et tous les âges jouent, même si l'étude dresse un archétype de joueur masculin, inactif, jeune et habitant en région parisienne, à cause de taux de pénétration plus élevés chez ces populations. En ce qui concerne les pratiques des joueurs sur tablette et smartphone, car c'est ce qui nous intéresse : il faut savoir tout d'abord que près de 60% des joueurs de jeux vidéo ont un smartphone, et un peu plus de 45,5%, une tablette, et près de 60% de ces joueurs se servent de leur smartphone ou de leur tablette pour jouer, ce qui, finalement, confère une fonction supplémentaire à leur appareil servant déjà à appeler, communiquer, lire, écouter de la musique, etc. Ajoutons à cela, une durée moyenne de jeu de 2h00 sur smartphone (1h48 sur tablette), et près d'un quart de joueurs sur tablette ou smartphone jouant plusieurs fois par jour ! C'est surtout près de 70% de joueurs sur smartphone qui jouent à des jeux gratuits uniquement (62% en ce qui concerne la tablette) ! Tout ce tintouin dans quel but, finalement ? C'est surtout pour vous montrer que oui, votre voisin, votre mère ou votre professeur joue certainement aux jeux vidéos gratuits, de puzzle mais pas que, car oui, il n'y a pas que Candy Crush Saga dans la vie ! Le joueur va aussi jouer à des jeux musicaux, à des jeux de simulation ou de stratégie, pourvu qu'il soit gratuit. Si on considère les besoins des personnes en général, et des joueurs plus particulièrement, en matière d'occupation du temps inoccupé (temps libre, temps de transit, etc), on se rend compte que le jeu vidéo gratuit répond à ces besoins... jusqu'à pénétrer nos rythmes de vie de façon presque intrusive. L'étude ne fait pas part de façon précise du nombre de jeux joués lors d'une même session de jeu, ni même de la façon dont s'articule tous ces jeux lors d'une même session, s'il y a un retour sur un jeu à un moment ou à un autre, ou non, et c'est bien ça le cœur de notre problème ! Une économie propice à la frustrationAvant de réaliser toute l'ampleur de l'addictabilité du jeu portable, nous allons essayer de cerner quelques-unes de ses caractéristiques, et notamment son économie, en termes d'argent et de temps. Dans un premier temps, il nous faut discerner les jeux qui posent une limite d'actions par session de jeu et ceux qui ne posent aucune limite. Typiquement, les jeux qui ne posent aucune limite ont une jouabilité proche de celle des jeux sur console, en ce sens que le jeu est une espèce de ligne sur laquelle avancer, et surtout que chaque joueur va prendre le temps qu'il souhaite pour avancer sur cette ligne avant d'en atteindre la fin (qui généralement n'en est pas une, bonjour les quêtes annexes et lignes scénaristiques alternatives). Nous allons nous pencher sur les mécaniques de ces jeux qui limitent le nombre d'actions possible du joueur dans le temps, et notamment sur le système de monnaie. Concrètement, ces jeux qui posent une limite d'actions par session de jeu vont matérialiser cette limite par un réservoir à contenance finie (points d'action, cœurs, vies, etc.) qui ne se recharge qu'avec le temps (1 point tous les ___ minutes / heures jusqu'à ce que le réservoir soit plein) : si le joueur ne joue pas souvent, son réservoir sera toujours plein quand il se connectera... mais si le joueur joue relativement souvent, il pourra en venir à être frustré d'avoir laissé filer trop de temps, car le réservoir sera déjà plein quand il se connectera. Dès épuisement de ces points, bien évidemment, le joueur pourra choisir de consommer de la monnaie précieuse, plus rare, qu'il ne pourra acquérir qu'avec parcimonie ou lors d'événements spéciaux pour recharger son réservoir. Si le joueur se retrouve à court de cette monnaie rare, ultimement, il pourra acheter de cette monnaie précieuse avec de l'argent réel la plupart du temps... et c'est une des façons de faire tourner le business ! Pour peu qu'en plus intervienne la notion de collection dans un jeu donné, et que le joueur ait une espèce de collectionnite aiguë, sa volonté d'essayer de collectionner le plus de cartes / monstres / personnages / objet collectionnable va créer une espèce de dépendance au jeu et surtout d'insatiabilité tant que la collection ne sera pas complète. Ceci est d'autant plus renforcé par l'introduction d'événements temporaires qui permettent d'avoir accès, après complétion, à une récompense rare ou exclusive. Naît inéluctablement ainsi une sorte de rituel où le joueur va vérifier s'il ne rate pas un objet collectionnable qu'il ne pourra pas acquérir par la suite. L'essence de ces événements temporaires étant bien évidemment une délimitation dans le temps, si les objectifs ne sont pas encore remplis alors que la deadline s'approche, le joueur va être d'autant plus proche de son jeu qu'il sera loin de la réalisation de son événement. Et s'il n'a plus de points dans son réservoir, le joueur va ainsi dépenser sa monnaie précieuse qu'il aura soigneusement économisée... parfois même au point de payer s'il est à court de monnaie précieuse, car une valeur émotionnelle importante sera donnée à la récompense ultime après laquelle le joueur va courir. Définitivement, c'est la frustration qui sert de moteur dans ces jeux-là. Enfin, si le joueur a le malheur de jouer à plusieurs jeux, cette frustration sera présente autant de fois que de jeux auxquels il jouera. Ultimement, le joueur peut en venir à gérer son temps en fonction des différentes échéances de ces jeux, et de la vitesse de remplissage des réservoirs de points. Par exemple, en attendant l'échéance d'un premier jeu, un joueur va faire ses actions quotidiennes sur un deuxième jeu, épuiser ses points sur un troisième jeu... et revenir sur son premier jeu, et ce de façon relativement cyclique, jusqu'à perte totale de la productivité de la journée ! De façon encore plus poussée, un joueur peut en venir à décaler les bornes de sa journée, se lever plus tôt pour arriver pile au moment de la recharge du réservoir de points d'action, ou se coucher plus tard, pour finir ses points d'actions, etc. Tout ça pour dire, faites attention à votre consommation de jeux gratuits ! Vous avez du temps à perdre... mais pas trop ! Attention à ne pas vivre en fonction des échéances fixées par les jeux auxquels vous jouez ! Concrètement, on appelle ça de l'addiction... C'est d'autant plus pervers que le jeu gratuit a de nombreuses formes : jeu vidéo musical, puzzle-game, jeu de simulation de vie, etc. Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Sources[1] http://www.cnc.fr/web/fr/ressources/-/ressources/5986318 : Centre National du Cinéma et de l'image animée, Les pratiques de consommation de jeux vidéo des Français. Les études du CNC, octobre 2014. Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
1 Comment
Léo
19/3/2015 04:23:44 am
J'approuve totalement l'article ! x)
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L’ŒIL D'UN ÉTUDIANT EN COMMUNICATIONÉtudiant en Master Pro Communication & Générations (spécialité jeunesse et enfance) à l'université Bordeaux Montaigne.
Joueur de jeux vidéos, mais pas que. Je vous propose un regard éclairé sur la notion de jeu vidéo et toutes ses extensions. Ne vous attendez pas forcément qu'à du Pokémon, Call Of Duty, FIFA ou des Sims. Je compte aussi sur mon expertise en japonais et en linguistique pour créer un regard analytique novateur sur l'actualité vidéoludique. Twitter : @jpdurd Archives
Mars 2015
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