Être amené à tester un jeu en avant-première est rare. C'est un privilège réservé à peu d'entre nous, pourvu que l'on soit finalement dans les bons réseaux. Tester un jeu se fait à plusieurs moments de la chaîne de conception du jeu, parfois assez tôt dans la conception du jeu, parfois très tard, quand le jeu est considéré comme fini et simplement en recherche de cobayes qui repéreraient les divers bugs (graphismes, gameplay, orthographe). Nous allons nous intéresser à plusieurs exemples de playtest, pour essayer de comprendre les enjeux de montrer un jeu avant sa sortie à un certain public. Se dévoiler et subir les critiquesEst-ce que la façon dont on a conçu notre jeu va convenir à nos joueurs ? Telle est la question que se posent les concepteurs de jeu vidéo à tout moment de la chaîne de création de leur œuvre. L'amélioration de l'expérience utilisateur va être le maître-mot lors de cette phase de playtest. Il va d'ailleurs sans dire qu'un bon jeu vidéo est un jeu vidéo qui va être joué, apprécié par le plus grand nombre, mais que l'équipe de conception n'est évidemment pas un échantillon représentatif de la population. En effet, en plein dans la création de leur jeu, une telle équipe donnera de toute façon une opinion biaisée de leur propre jeu, et il semble naturel que des testeurs fassent office de regard extérieur et objectif. Sans doute qu'au sein de l'équipe de conception, il subsiste encore des problématiques, des doutes, des choix encore en balance, lorsque le jeu est présenté au public des playtesters. D'autant plus que ces testeurs peuvent intervenir à des moments différents de la chaîne de la conception du jeu : que ce soit juste avant la sortie du jeu - et on peut penser là aux bêta fermées puis ouvertes que les MMORPG mettent notamment en place, comptant énormément sur les feedback des joueurs - ou à un stade moins avancé, notamment pour des questions d'ajustement du gameplay, pour éviter que le jeu, quand il sortira, soit trop ou pas assez difficile pour le joueur. Il faut d'ailleurs signaler que le métier de testeur existe effectivement, mais il ne faut pas se faire trop d'illusions : le testeur ne se contente pas de jouer pour jouer. Le testeur est un chasseur de bugs invétérés et tel un professeur qui corrigera la rédaction d'un de ses étudiants en y repérant fautes d'orthographe, de syntaxe ou passages mal dits. Le testeur traquera la moindre imperfection dans les décors, la moindre faute dans les textes, s'assurera que tout est à sa place et bien calibré, que le volume du bruitage n'est pas trop fort ou trop faible. En bref, son travail est multiple, et bien que nécessitant pas une qualification énorme (un Bac suffit généralement pour postuler à une telle fonction), son rôle est primordial, et le testeur devra faire preuve d'énormément de rigueur et de patience. Refaire un niveau dix ou vingt fois ne doit pas être un problème pour lui, tant qu'à la fin, il peut s'assurer que l'expérience utilisateur est bonne et que le jeu est faisable par tous les joueurs, sans pour autant rendre la tâche trop facile pour tout le monde. Le niveau ou le passage doit être franchissable, en prenant compte des acquis issus du temps déjà consacré sur le jeu, sans pour autant que la solution soit évidente - il faut après tout que le joueur ait un challenge à relever ! Il a un rôle d'ajustement et représente un relais avec les équipes de création (programmeurs, level designers, score designers, etc). Si on s'est intéressé ici au testeur en tant que métier, il ne faut pas oublier que certains studios ouvrent leurs portes au public pour qu'ils puissent tester le jeu et donner leur avis, et une deuxième partie sera consacrée aux expériences de playtest grand public. Joueurs, on a besoin de vous !Une personne lambda qui va tester un jeu aura généralement les mêmes missions que celles décrites ci-dessus, mais de façon plus light bien évidemment - on ne va pas demander à un joueur de consacrer une semaine de son temps pour un jeu qu'il ne va pas forcément acheter ! Généralement, on demande aux testeurs d'un jour de se confronter au jeu pendant une durée limitée (une demi-heure comme une demi-journée, tout dépend là des besoins de l'équipe de conception), après avoir reçu des informations plus ou moins détaillées autour du jeu lors d'un brief succinct. Si le concept du jeu est nouveau, quelques mots seront dits sur le concept avant de laisser le joueur naviguer librement dans le jeu ; si on a affaire à une suite, le comparatif sera souvent fait avec les opus précédents, dans le but de voir comment l'expérience utilisateur évolue au passage à l'opus suivant, en espérant bien évidemment qu'elle ne se dégrade pas. Ici, l'expérience de jeu n'est pas assistée : le joueur-testeur n'aura pas le droit de solliciter un membre de l'équipe pour l'aider, sauf en cas bien entendu de problème majeur qui empêcherait le joueur d'avancer - mais généralement de tels cas sont rares, ou alors une importante remise en question s'impose. Comme dans le cas de tests professionnels, le testeur d'un jour est invité à passer tous les éléments du jeu en revue : graphismes, univers sonore, gameplay, textes, etc. Il n'est pas rare que le joueur soit filmé lors de sa session de jeu, avec un focus effectué sur le visage. Ceci n'est évidemment pas pour le but de garder un souvenir de la session de test, mais pour permettre à l'équipe de création qui aura pris le soin d'enregistrer la session de jeu de faire concorder ces deux vidéos, et de s'en servir comme un rapport d'étonnement, en partant évidemment du postulat que si le joueur fait une grimace ou une tête étrange, c'est que quelque chose a attiré son attention, en bien ou en mal. De plus, le joueur est invité à prendre des notes sur les feuilles blanches souvent mises à sa disposition, pour ensuite en parler lors d'un debriefing avec les membres de l'équipe, ou encore une fois, chaque aspect du jeu va être passé en revue et discuté lors d'entretiens individuels ou d'entretiens de groupe. Le tout se fait généralement dans une ambiance conviviale - n'oublions pas que les testeurs d'un jour sont souvent invités pour ça. Dans tous les cas, l'expérience de playtest est quelque chose à vivre, ne serait-ce que pour contribuer, à sa façon, à la conception d'un jeu, dans son débuggage, dans la réflexion ou l'ajustement de son gameplay, ou tout simplement pour confirmer que les créateurs vont dans la bonne direction. C'est d'ailleurs une expérience humaine tout à fait sympathique, car autant que le jeu, c'est l'équipe de création qui se dévoile à vous, qui va expliquer, défendre, mais aussi remettre en question leurs choix en votre présence, le tout dans une ambiance très propice au dialogue. C'est également le moyen de jeter un coup d’œil sur l'envers du décor, pour ceux qui n'auraient pas la moindre idée du processus de fabrication d'un jeu : cela permet de rencontrer tous les acteurs dans le développement d'un jeu, et rien que ça, c'est quelque chose d'extraordinaire. N'oubliez pas qu'une fois avoir testé un jeu, vous serez soumis à un contrat de non-divulgation, ce qui est naturel mais qu'on oublie trop souvent : vous serez confronté à une oeuvre de l'esprit qui n'aura pas été encore divulguée, ça serait donc pas très sympathique de révéler à qui le voudra des aspects d'un jeu sur lequel les créateurs auront dépensé énormément de temps et d'énergie... Le débat continue dans les commentaires, précisez votre nom/pseudo, adresse mail, site web (si vous en avez un) et votre commentaire, je me ferai un plaisir d'y répondre ou de me renseigner encore un peu plus sur la question :) Jean-Paul Durand pour Un Œil sur le Jeu Vidéo.
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L’ŒIL D'UN ÉTUDIANT EN COMMUNICATIONÉtudiant en Master Pro Communication & Générations (spécialité jeunesse et enfance) à l'université Bordeaux Montaigne.
Joueur de jeux vidéos, mais pas que. Je vous propose un regard éclairé sur la notion de jeu vidéo et toutes ses extensions. Ne vous attendez pas forcément qu'à du Pokémon, Call Of Duty, FIFA ou des Sims. Je compte aussi sur mon expertise en japonais et en linguistique pour créer un regard analytique novateur sur l'actualité vidéoludique. Twitter : @jpdurd Archives
Mars 2015
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